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La distance transactionelle et la Community of Inquiry

Commençant à peine mes lectures et mes réflexions sur le monde de l'éducation, les textes de Moore et Garrison m'ont permis d'aborder de façon plus concrète les enjeux de « présence » et de « distance » en formation à distance. Celui de Moore, plus précisément, m'a permis de mettre des mots sur cette relation entre « structure » et  « dialogue ». Je n'ai certes jamais enseigné, mais j'ai géré pendant plusieurs années une équipe de 15 employés et j'entraîne de nombreuses équipes de soccer, rôles qui m'ont amené et m'amènent quotidiennement à me questionner sur ma relation avec les jeunes que j'encadre. Bien sûr, il ne s'agit pas de « relation à distance », puisque le tout se déroule en présentiel, mais ce lien entre « structure-dialogue », rend bien compte de ce qui se déroule lorsque je suis placé dans ces situations. En effet, je ne suis certainement pas ni le plus structuré des entraîneurs/superviseurs ni le plus structurant. Mes entraînements ne sont pas prévus à la minute près et je ne planifie rien plusieurs semaines d'avance. Sans que je sois le premier entraîneur à agir ainsi, une telle façon de faire m'attire souvent la critique des entraîneurs plus âgés qui associent mon attitude à de la nonchalance. Or, sans avoir le texte de Moore en tête, j'ai toujours compensé par un fort dialogue avec mes joueurs et joueuses, créant avec eux et elles un espace de négociation.

Est-ce à dire que je serai un enseignant similaire à l'entraîneur que je suis? Sans que je change complètement ma façon de faire, je tenterai certainement d'être plus structuré, l'enjeu et le contexte étant différent. J'ai la chance d'avoir des équipes composées de 10 à 15 joueurs/joueuses, ce qui consisterait en une très petite classe, particulièrement pour un cours de baccalauréat. Le discours, bien que je t'enterai de le maximiser, ne se créera pas aussi facilement avec les élèves, et devra à son tour est compensé par une structure plus importante. Ceci sera particulièrement vrai en FAD où le dialogue peut parfois être décalé avec les étudiants

Il est intéressant également d'ajouter à cette réflexion le concept d'autonomie. Moore mentionne : 

« Dans un cours avec peu de distance transactionnelle, les apprenants reçoivent des informations, des directives et un accompagnement par un dialogue continu avec leurs instructeurs et par un matériel pédagogique qui permet des modifications pour s’adapter à leurs besoins individuels, leur style d’apprentissage et leur rythme. Un tel programme, avec un faible degré de distance transactionnelle, est toujours plus attractif pour des apprenants qui sont moins aguerris dans la conduite de leur propre apprentissage. Les apprenants plus autonomes sont à l’aise avec plus de contenus structurés et moins de dialogue pour recevoir l’information, les directives et l’accompagnement. Dans un programme avec forte distance transactionnelle, avec un dialogue et une structures minimalisés, les étudiants sont obligés de trouver par eux-mêmes l’information et de prendre leurs propres décisions quant à ce qu’il faut étudier, où, quand, comment et jusqu’à quel niveau. En d’autres termes, plus la distance transactionnelle est grande, plus les apprenants doivent faire preuve d’autonomie. » (Moore et Marty, 2011)

Encore une fois cela s'applique à l'éducation et le « coaching », bien qu'ayant une part d'éducation, ne reprend certainement pas toutes les dynamiques de l'enseignement en milieu scolaire. Cependant, dans cette situation « peu de structure - beaucoup de dialogue » j'ai comme objectif de donner toute la place aux jeunes, en leur demandant notamment leur opinion et voulant de leur part qu'ils participent au processus décisionnel. Or, je constate et réalise avec ces lectures, que plus je suis près d'une équipe, c'est-à-dire plus il y a de dialogue, moins les joueurs ou joueuses sont autonomes étant en quelque sorte « dépendant(e)s » de moi. Je vois ainsi une piste de solution qui consisterait à augmenter leur autonomie, en diminuant le dialogue, tout en leur mentionnant la possibilité de se référer à moi au besoin et en compensant par une structure mieux établie. C'est un élément que je garderai certainement en tête lorsque je serai enseignant. Pour permettre aux étudiants d'être autonomes, je devrai mettre en place une structure et réserver le dialogue à des situations plus importantes ou significatives.

C'est ici que le texte de Garrison entre en jeu et devient intéressant. Comme mentionné dans mon message sur le forum, je fais l'hypothèse de lire le texte de Garrison et la community of inquiry (CoI) comme une façon de prendre l'autonomie de Moore et de la développer à son plein potentiel, le tout en contexte socio-constructiviste. Car l'autonomie de Moore semble plutôt individuelle. Or, si Garrison n'exclue pas cette dimension, utilisant des expressions comme « personnal meaningful » et « the individual assumes responsibility to construct meaning », il insiste cependant sur la collaboration : « shared understanging », « collaboratively confirme shared understanging », etc. Il ne nie pas non plus les bases socio-constructivistes de sa théorie : « we empasize that individual knowlodge construction is very much shaped by the social environment » (Garrison, 2016). Ainsi, la community of inquiry permet, je crois, aux individus de profiter pleinement de leur autonomie puisqu'ils deviennent des participants qui assument le rôle à la fois de l'enseignant et de l'étudiant. (Garrison, 2016). En FAD, créer ces CoI consiste donc selon moi en une solution pour compenser une baisse du dialogue entre l'enseignant et les étudiants. Une telle communauté, crée effetivement un environnement dans lequel « students can take responsibility and control of their learning by negotiating meaning, diagnosing misconceptions, and challenging accepted beliefs » (Garrison, 2016). Il s'agit donc certainement d'un moyen que je tenterai d'utiliser en tant qu'enseignant pour permettre non seulement aux étudiants d'etre autonomes, mais pour que cette autonomie soit une réelle amélioration à l'expérience éducative des étudiants.

Le gros du travail demeure à faire, puisqu'il reste encore à expliciter comment réussir à créer une CoI efficace. Je me permets de garder cet élément pour mes futures réflexions.

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Garrison, 2016. Community of Inquiry, dans E-Learning in the 21st Century : A Community of Inquiry Framework for Research and Practice.

Marty et Moore (2011). La théorie de la distance transactionelle, trad. de M.G. More, The Theory of Transactional Distance, dans Handbook of Education.


Commentaires

  1. Bonjour Antoine,

    En lisant ton texte, deux notions ont éveillé mon intérêt. Tout d’abord, tu te décris comme un entraîneur qui structure peu et parle beaucoup. Or, peut-être ai-je une vision erronée de la chose, mais il me semble que tous les entraîneurs font cela. Que ce soit en sport ou en arts (ma discipline) tout est une question d’entraînement – pratique-pratique-pratique m’a-t-on répété inlassablement pendant des années. Or, lorsqu’une personne pratique, elle est plutôt laissée à elle-même. Il faut qu’au préalable l’exercice ait été clairement expliqué pour développer la technique souhaitée, d’où l’intervention de l’entraîneur. Puis, avec le temps, les techniques s’intègres et c’est la routine, les réflexes (ou la pièce), qui devient l’enjeu de l’apprentissage. Encore une fois, l’entraîneur encadre l’entraînement par ses conseils.

    Par contre, lorsque cette approche est transposée en contexte de FAD, la structure devient centrale et précède le dialogue. Il faut d’abord faire lire les étudiants sur des concepts, théories, notions clés, avant d’entamer un dialogue. De plus, l’autonomie au cœur de la FAD demande une structuration, ne serait-ce que pour mettre en place la communauté d’apprentissage de Garrison. Moore et Garrison soulève le besoin de baliser et guider l’autonomie – d’où la mise en place de communauté d’apprentissage. D’ailleurs, le texte de Bernard (2009) sur le traitement de l’interaction en FAD explique très bien le phénomène de design de l’interaction pour augmenter « le dialogue », quel qu’il soit.

    Bernard, R. M., Abrami, P. C., Borokhovski, E., Wade, C. A., Tamim, R. M., Surkes, M. A., & Bethel, E. C. (2009). A meta-analysis of three types of interaction treatments in distance education. Review of Educational research, 79(3), 1243-1289.

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  3. Bonjour,
    J’ai apprécié votre expérience d’entraineur et certainement que cela vous aidera à gérer votre classe en tant qu’enseignant, et avoir de meilleures pratiques de collaboration et d’interaction avec vos étudiants. La lecture de votre billet m’a permis de revenir sur comment j’ai compris certains concepts. Jézégou (2010) dans son analyse critique et constructive du modèle de community of inquiry de Garrison et Anderson (2003) affirme que ces derniers “ne développent pas la manière dont s’intègrent les positions du socioconstructivisme dans leur modèle. Il est alors difficile de comprendre en quoi, comme le précisent les auteurs, une community of inquiry favorise les apprentissages et donc la construction de connaissances tant au niveau individuel que collectif”. Dans ce contexte, chaque apprenant doit être motivé pour s’engager et persévérer dans les interactions avec les membres du groupe, un effort de collaboration, et doit être motivé pour s’engager dans la réalisation d’activités collectives, chaque étudiant a à “réguler lui-même les aspects socioaffectifs, émotifs et cognitifs de ces interactions basées sur la collaboration” Jézégou (2010). Toutefois, je suis tout a fait convaincu que dans, une perspective de collaboration, l’enseignent joue un rôle important pour motiver ses étudiants, les rendre actifs tout en l’aidant à réguler leurs environnements et leurs comportements d’apprentissage afin de constituer une community of inquiry. La lecture du travail de Peraya (2014) m’a aussi permis d’enrichir mes connaissances en pédagogie d’enseignement en FAD, Distances, absence, proximités et présences: des concepts en déplacement. Je le trouve intéressant à lire, pour y revenir sur nos pratiques traditionnelles afin de créer la présence sous ses différentes aspects à distance.
    Références:
    Jézégou Annie, (2010), Community of Inquiry en E-Learning: à propos du modèle de Garrison et d'Anderson, Journal of Distance Education / Revue de l'Education à Distance, 24(2), 1-18.
    Peraya, D (2014). Distances, absence, proximités et présences: des concepts en déplacement, Distances et médiations des savoirs.

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